
Auto test rapides HIV ;
une fausse bonne idée ?
Juin 2015
Le Bulletin Médical d’Afrique
Récit :
M. Yannick, W., jeune cadre dans une entreprise de la place est rentré chez lui un peu plus tôt que de coutume. Il s’est très rapidement dirigé vers sa cuisine, non pas pour scruter le frigo comme il le fait machinalement, mais pour se livrer plutôt à d’étranges procédures médicales.
Le geste rapide mais légèrement tremblant, il s’est prélevé une goutte de son sang, qu’il a posé sur un dispositif en veillant à suivre scrupuleusement les instructions d’un manuel dont il n’est pas sûr d’avoir compris toute la terminologie.
Il est 18h45 sur l’horloge de la cuisine, Yannick est assis sur un tabouret, les yeux rivés sur son kit. Les bras croisés, la gorge nouée, les mains moites ; il attend le résultat de son test HIV. Seul dans cette pièce humide. Il a envie d’allumer son chauffage ; mais à quoi bon, il sera sorti dans quelques minutes et reprendra une vie normale…
15 minutes ils disaient, 15 minutes pour avoir le résultat. Les minutes défilent lentement et les secondes lui paraissent une éternité.
Il est 19h02, le résultat tombe. Ses yeux se figent, son cœur est pris d’extrasystoles, est-ce que ses yeux voient bien ce qui semble être un résultat… NEGATIF.
Son rapport à risque de la semaine dernière est ne lui a pas laissé de séquelles. La pression retombe, il est soulagé, il peut jeter ce foutu test et reprendre une activité normale. Sa vie est relancée et il a bien l’intention continuer à la mordre à pleines dents.
Qui expliquera à Yannick qu’il devrait refaire un test trois mois après ce rapport à risque pour avoir la certitude de ne pas avoir été contaminé ?
Qui expliquera à Yannick que ce test négatif n’est pas un passeport pour la débauche ?
Qui lui enseignera les bons réflexes et attitudes à adopter pour continuer à mordre la vie à pleines dents, mais de manière SAFE ?
Auto test rapides HIV est disponible en vente libre
Yannick est l’une des dizaines de milliers de personnes qui vont bientôt pouvoir se livrer à un autotest HIV seul à l’abri des regards et des supposés jugements du corps médical. Mais est-ce vraiment une bonne idée de laisser des individus, livrés à eux-mêmes, procéder à ce type de test sans encadrement ?
La Grande-Bretagne, a récemment autorisé la commercialisation d’autotests de dépistage HIV. Commercialisés sur internet par la société BioSure® le kit d’auto dépistage HIV est vendu 40 € pièce et permet de connaitre son statut sérologique en 15 minutes. Avec une sensibilité de 99%, à savoir la capacité à donner un résultat positif lorsque le patient est vraiment positif ; tout résultat positif devra néanmoins être confirmé par un prélèvement sanguin et analyse de laboratoire type ELISA ou Western Blot. Enfin, signalons que ces tests peuvent être commandés partout dans le monde et qu’ils devraient bientôt être disponibles en officine dans de nombreux pays de l’UE et certainement en Afrique si ce n’est déjà le cas.
Bonne idée
Il n’y a aucun doute sur le fait que ce type d’autotest présente de nombreux avantages ; notamment le fait de permettre à un grand nombre de personnes de connaître leur statut sérologique. Nombreuses sont en effet, les personnes qui rechignent à se rendre à l’hôpital pour se faire dépister ou encore, ne vont jamais chercher leurs résultats… La peur d’être jugé, pointé du doigt par des inconnus en blouse blanche reboute de nombreuses personnes.
L’autre très grand avantage, c’est le délai d’attente. Nombre d’entre nous ont connu l’époque où il fallait attendre 48 heures avant d’avoir les résultats de son test ; voir plus si vous aviez le malheur de vous faire prélever un vendredi (il fallait alors rajouter au décompte les jours du WE).
Autre point positif majeur, un dépistage plus facile, plus rapide et surtout plus accessible devrait augmenter la proportion de diagnostics précoces et ainsi réduire le nombre de porteurs qui ignorent leur statut. Le fait de connaitre son statut sérologique plus tôt réduit en effet les risques de transmission aux partenaires, mais plus encore, il rend plus efficace la prise en charge clinique des malades.
Enfin, la sensibilité ces autotests est conforme aux exigences de performances que demande l’OMS pour les kits de dépistage de ce type.
Fausse bonne idée ?
Au-delà de ces points positifs, il faut rappeler que l’on ne parle pas ici du dépistage d’une maladie lambda ; on parle du HIV/SIDA avec tout ce que la maladie comporte en termes d’affect psychologique pour les cas positifs.
Laisser un individu seul chez lui faire son test sans s’assurer de pouvoir lui offrir tout de suite le soutien psychologique nécessaire pourrait s’apparenter à de la non-assistance à personne en danger.
Comment réagiront-ils à un résultat positif seul chez eux ?
Qui leur offrira le counseling nécessaire voir vital dans ce type de situation ?
En somme, la question est ici de savoir comment encadrer, sécuriser la réalisation de ces autotest HIV ?
Une excellente avancée qu’il faut encadrer
S’il ne fait aucun doute que cette petite révolution dans le domaine du dépistage du HIV constitue une avancée significative tant pour les patients et leur entourage que pour les soignants ; nous pensons néanmoins que ce nouvel outil ne doit pas être mis dans les mains du public sans s’assurer que leur soit offert, dans le même temps, encadrement et assistance.
Deux options nous semblent ici possibles :
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La première consisterait à obliger que ces tests ne puissent être vendus et réalisés que dans des centres spécialisés dans la prévention et la prise en charge des MST/SIDA. Des établissements où les personnes pourront non seulement se voir offrir éducation et counseling sur la maladie avant et après la réalisation du test, mais aussi, se voir proposer en cas de résultat positif, un prélèvement sanguin pour confirmation des résultats fournis par le kit de dépistage.
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La deuxième option serait de fournir les tests dans une forme d’info box. Le packaging comporterait ici, non seulement le kit de dépistage, mais aussi de la documentation sur la maladie, la manière d’interpréter un résultat positif ou négatif, mais plus encore, les numéros de centres d’assistances ouverts 24h/24 et 7J/7 ainsi que les adresses de centres de prévention et de prise en charge des MST/SIDA vers lesquels ils pourront se retourner en cas de besoin.
Nous sommes in fine pour les autotests rapides HIV, qui constituent à n’en point douter une avancée notable dans la lutte contre le HIV. Il faut cependant veiller à ce que l’utilisation de ce nouvel outil soit bien encadrée et que toute l’assistance nécessaire soit offerte aux malades nouvellement dépistés. L’écoute, l’assistance morale et le soutien psychologique sont en cas de test positif, des éléments vitaux pour le patient. L’encadrement des autotests HIV apparaît dès lors comme une exigence dont nous ne pouvons-nous faire l’économie.
Dr Luc Tsachoua
